Cent kilomètres du Cap’Nore

Dimanche 19 juin, 7H00 du matin. Le soleil est encore bas sur les collines de l’Aude et la fraîcheur est appréciée à sa juste mesure. Il a fait 35°c la veille, il fera aussi chaud dans quelques heures et il y 100 km de VTT à faire.


Vous connaissez l’enfer du Nord ?
Alors, je vais vous parler du paradis du « Nore » … tout au sud !

Le parking est déjà bien plein et les premiers concurrents doivent être loin (départ possible dès 6H30). Le temps de récupérer ma plaque et de poser autour de ma cheville un bracelet électronique, et me voici sur les chemins quittant le petit et pittoresque village de Villegly (à côté de Carcassonne, con). Premiers singles, très vite première bosse et déjà le soleil affûte ses rayons matinaux en guise de promesse. La configuration du relief, de la végétation et l’histoire de ce « pays » nous permettent de passer de singles en singles, sur fond de paysage méditerranéen (Adret) ou boisé (Ubac, au nord). Première grosse grimpette et premier ravitaillo en haut d’un village Cathare (visible à la configuration des ruelles, de la place de l’Eglise). C’est pantagruélique en terme de choix, de quantité, de bonhomie des bénévoles. Pâté, bananes, pâtes de fruits, pruneaux, pain d’épice … Boissons à gogo et blagues qui fusent. Sourire béat sur tous les visages malgré les premiers kilomètres trop difficiles pour beaucoup de débutants. Au-dessus de nous, le Pic de Nord s’élève du haut de ses 1200m et son antenne hertzienne nous salue avec un air de défi … Il est temps de repartir. Quelques kilomètres et une single descendant et technique plus tard, les concurrents du 50 km bifurquent tandis que nous abordons une piste ascendante fort longue. L’action thermique du soleil qui s’élève est compensée partiellement par notre prise d’altitude, mais je sue déjà à fort grosses gouttes au milieu des ajoncs, des épineux et des arbustes rabougris … 40 minutes plus tard (à vue de nez), nouveau ravitaillo copieux pour la bifurcation des inscrits au 80 km.
Après quelques centaines de mètre d’ascension, voilà qui se profile sous nos roues une descente formidable entre pinède, racines, terrasses terreuses, puis pierriers étroits et lacets piégeux. Un vrai bonheur de glissades, de dosage et de récupération sous l’ombre bienfaitrice de quelques pins méritants. Un bout de bitume nous conduit vers un somptueux village qui croule sous les cerisiers : ils tendent leurs branches surchargées de billes rouges … Tentant ! :o) Une côte assassine me fait regretter mon chapardage ; non point qu’il y est une conséquence directe, mais plutôt que mon mal aux jambes soudain est pris comme une punition divine ! Pendant 5 minutes, je vois des étoiles et la tête me tourne : je me gave de sel et m’hydrate autant que possible. Galère ! J’ai du péniblement parcourir 6 km en 1 heure quand, assez tout aussi soudainement qu’elles étaient parties, mes jambes « reviennent ». Je reprends un rythme plus régulier, récupère des pulsations normales et continue la montée. Récompense inespérée, un chemin de crête, une voie romaine encore quelque peu dallée nous est proposée. Vue panoramique, et trace fabuleuse au milieu d’un paysage envoûtant. L’ancestrale chemin quitte l’arête et plonge subitement vers le fond de la vallée. Malgré le plaisir de la descente, je frissonne en constatant que toute l’altitude prise est perdue et que dans quelques minutes nous serons sous le Cap de Nore : il faudra complètement tout remonter ! Je vous épargne le détail des 90 minutes d’ascension vers ce point culminant. Le chemin est assez roulant mais l’accumulation des 2200m de dénivelé, à ce moment là, est usante pour mon organisme pas assez entraîné. Visiblement, beaucoup de pilotes souffrent le martyr. Beaucoup de types allongés à l’ombre, cherchant des forces, quelques regards ahuris de fatigue et de chaleur et parmi ceux inscrits sur 80 km (en plaques bleues), beaucoup sont à la dérive. Pour ma part, je monte tranquillement, au train, en restant sur le vélo, tandis que pas mal marchent, et en tâchant de relancer à la faveur de chaque baisse de déclivité. A la sortie des pins qui bordent la calvitie sommitale d’où émerge l’antenne, il est 13H10. 5 minutes de plus pour atteindre le pied de l’antenne, en danseuse et à fond : 5H50 pour les 63 premiers km ! On ne peut pas dire que ce soit dans les habitudes de mes sorties bordelaises … (ici on compte plutôt entre 25 et 30 km/h de moyenne horaire ! ;o)))
Il reste 37 km. Ils se font à vive allure avec un profil descendant surenchéri de quelques côtes (cruelles !) ponctuelles. L’organisation a bien fait les choses et mitonné un programme de descente aux petits oignons : petits pierriers, sous-bois, prairies, carrières et lit de torrent, chemins larges et parfois combinaisons variées profitant à notre plaisir de piloter … Avec le retour en plaine la chaleur devient étouffante avec un mercure qui doit indiquer plus de 33°c, voire beaucoup plus dans une combe rocheuse qui évoque un sauna géant !
Passage sous les pales des éoliennes géantes, Villegly et l’arrivée sont à nos pieds. Encore quelques pilotes en perdition, un dernier sprint sur un raidillon bitumé, voici le village, l’arrivée, le podium et beep du chrono qui s’arrête. C’est fini et je campe devant le dernier ravitaillo, reprenant mes esprits, quelques forces et des nouvelles de mes pôtes. J’ai mis 7H53, soit beaucoup plus de temps que prévu pour 100 km et 2400m de D+. La panne de jambe, provisoire heureusement, m’a coûté 30 minutes, sans doute.

Qu’importe le résultat, je suis ravi ! Séduit par la beauté de l’épreuve, par les paysages, la variété des terrains et l’ambiance « chaleureuse ». Les traceurs ont fait preuve d’une réelle intelligence en proposant des ascensions roulantes, tout au moins roulables, arborées le plus souvent, et des descentes vraiment techniques (à mon avis on ne peut pas faire plus technique en rando ouverte à tous). Ravitaillos réguliers (8 sur le 100 km) et bien fournis, balisage irréprochable, bénévoles charmants. Parfait ! RDV est pris pour l’année prochaine !