Con comme un hirondelle ?

Non ! Stop !
Amis des animaux, membres des ligues anti-vivisection ou autres courageux bénévoles oeuvrant pour la SPA, ne vous jetez pas immédiatement sur moi pour me dépecer. Je n’ai aucune hostilité particulière envers ce charmant passereau sensé annoncé la belle saison dans nos contrées. Au contraire, à priori, je trouve ces élégants volatiles plutôt sympathiques. Non, simplement, en les voyant aujourd’hui se regrouper en essaims agités pour organiser leur migration de retour sous les tropiques, je me demandais ce que je ferais si j’étais une hirondelle, ou plutôt « un » hirondelle ?


En effet, si c’était le cas, je me poserais sérieusement une question, en février 2003 : est-ce que ça vaut la peine d’investir à nouveau autant d’énergie, de sens de l’orientation et de courage pour venir passer des vacances reproductrices en Europe continentale ? Franchement, je pense que j’hésiterais.

Je vous accorde que les tropiques doivent être extraordinairement torrides entre avril et septembre, que le soleil doit y rôtir tout ce qui ressemble à un insecte volant susceptible d’être appétissant ou que les hordes de touristes envahissants doivent s’y bousculer comme des nuées de moustiques par une chaude soirée estivale (ne cherchez pas à vous en rappeler, même si vous n’êtes pas encore ami avec Alzheimer, vous ne vous souviendrez pas de la dernière), mais de là à faire plusieurs milliers de kilomètres à tire d’aile pour passer 6 mois sous la pluie, la grisaille, le brouillard et le froid, il y a un pas, ou plutôt un coup d’aile que je renoncerais peut-être à donner.

Même si les progrès du génie génétique sont susceptibles de me procurer dans un proche avenir un plumage imperméable et chaud, genre GoreTex dos noir à ventre blanc.
Même si un somptueux et luxueux voilier me proposait ses haubans et mâts accueillants et ses succulents restes ou miettes de repas pour me faciliter la traversée de la grande bleue.
Même si les meilleurs hannetons de la planète ou les plus appétissants moucherons persistaient à vouloir éclore dans l’hémisphère nord, et bien, je crois que je renoncerais peut-être à franchir une fois encore la Méditerranée et venir me geler pattes, ramage et croupion dans une zone où le climat est aussi pourri qu’en Europe de l’Ouest durant l’été 2002.

Comme je suis déjà un peu con, peut-être que dans une autre vie je me réincarnerais en hirondelle.
Qui sait ?
En tout cas, dans cette prochaine vie, moi, je ne viendrais pas vous annoncer le printemps.
Je vous laisserais patauger sous vous froides latitudes nordiques, tremper dans vos innombrables inondations, barboter dans vos coulées de boues, dégouliner dans votre brouillard et au final vous avarier dans votre humidité omniprésente.
Je resterais paresseusement en Afrique tropicale à dorer mes plumes sous les chauds rayons du soleil (ne cherchez pas, ce mot vous est inconnu).

Oui mais voilà, je ne suis pas encore « un » hirondelle.
Dommage !