Déconfiné ou déconfit ?
Depuis que j’ai remplacé l’écriture quotidienne de mes chroniques par le plein air et le bike, de l’eau a coulé sous les ponts et de l’encre (électronique) a noirci les pages des journaux. Après bientôt 41 jours de confinement, alors que notre singulier « semi » est sur le point de céder sa place au premier palier du « dé », que dire encore à propos de Mister Covid qui n’ait pas déjà été écrit ?
Qu’on ne sait toujours pas, et qu’on ne saura peut-être jamais, comment sa pandémie a commencé ? Qu’on ne sait pas encore complètement comment ce satané virus peut se transmettre aussi facilement ? Que, bien plus qu’une pneumonie carabinée, il est surtout une inflammation systémique des vaisseaux sanguins ? Que seul environ 5% de la population y a été exposée à ce jour ? Qu’on ne sait toujours pas combien de temps dure une éventuelle immunité ? Que personne ne peut dire quand et comment tout ça va finir ? Qu’après y avoir interdit la burka, on va peut-être nous obliger à porter un masque sur l’espace public ? Que, en plus de Google, Apple et Facebook, Alain Berset lui-même va bientôt pouvoir fliquer tous nos déplacement grâce à nos chers téléphones portables ?
Si je les ai énumérés, c’est justement parce que je ne vais développer aucun de ces sujets. Beaucoup l’ont déjà fait et beaucoup d’autres le feront encore dans un avenir proche. Je vais seulement vous parler du fait qu’il y aura un « avant » et un « après » Covid-19.
Pas que je pense voir l’émergence d’un nouveau monde 2.0. Non, c’est une pandémie, pas un miracle ! Les hommes ne changeront jamais vraiment. Ceux qui applaudissaient les forces de l’ordre au lendemain du Bataclan parce qu’ils avaient peur de mourir, applaudissent aujourd’hui au balcon pour se donner bonne conscience. Mais ce sont les mêmes qui, demain, râleront aux urgences parce qu’ils devront attendre plus d’une heure. L’homme est amnésique et égoïste. Et il le restera.
Non, cet « après » auquel je pense, c’est celui qui nous forcera à « vivre avec ».
Parce que même quand le vaccin du Covid aura finalement été élaboré, il n’est pas sûr qu’il soit beaucoup plus efficace que celui que nous connaissons contre la grippe périodique. Parce que, comme sa cousine influenza, le Covid connaitra probablement des mutations. Parce que, comme la mode, il aura une saison à lui, récurrente au fil des années. Parce que, même si les « gestes barrières » vont devenir la norme, ils n’empêcheront jamais toutes les contaminations, ni, malheureusement, tous les décès des plus malchanceux ou des plus usés. Ce que nous appelons aujourd’hui une pandémie deviendra peu à peu une épidémie saisonnière face à laquelle nos gouvernements ne vont pas, à chaque fois, nous confiner et mettre en péril notre système économiqie déjà bien malade. Il va donc falloir apprendre à « vivre avec ».
Même si ça parait compliqué, aujourd’hui, je suis persuadé que nous saurons inclure ce Covid-19 dans notre longue liste des « petites » calamités de la vie. Tous ceux qui ont un peu de bouteille le savent. Vivre, ça n’existe pas. Vivre, c’est « vivre avec ». Vivre avec les petites ou les grosses déceptions du quotidien. Vivre avec des fins de mois difficiles. Vivre avec une carrière professionnelle pas toujours conforme à nos rêves de jeunesse. Vivre avec une situation familiale parfois différente de celle espérée. Vivre aussi avec un crâne qui se déplume ou des cheveux qui blanchissent. Vivre avec des dégradations physiques lentes mais inexorables. Vivre avec les séquelles de petites ou de « grosses » maladies. Vivre avec la perte d’êtres chers.
Vivre, c’est toujours « vivre avec », parce que « vivre contre », c’est mourir à petit feu.
Alors, je vous souhaite à tous, une belle et longue « vie avec » !
Et, encore merci, de m’avoir fait l’honneur de lire ces chroniques, désormais, confinées loin d’un futur où elles n’auront, je l’espère, plus jamais leur place.