Ce billet, au titre quadri syllabique un peu barbare, aurait aussi pu s’intituler « la crête d’en face » ou « voilà ce qui arrive quand le traceur confond la gauche et la droite ». Partis d’Eischoll pour entreprendre l’ascension de l’Ergischhorn, nous avons finis par atterrir sur les contreforts finaux de son petit frère, sur le versant opposé de la très belle et très sauvage combe de Sängtelli. Petit frère par son nom, l’Ergischalphorn, n’en n’affiche pas moins 300 mètres de plus à son compteur d’altitude, ce qui pourrait, peut-être, en partie expliquer l’attraction naturelle qu’il a su exercer sur un guide improvisé et fonctionnant à l’instinct.
Petite erreur d’orientation, mais grandes conséquences. Le fait d’aboutir sur l’arête orientale de la cuvette de Sängtelli nous a finalement donné accès au magnifique vallon de Gorpat, vaste et profond entonnoir naturel, magnifiquement taillé pour le ski. Ses pentes sommitales, orientées plein Est, nous ont offert une moquette douce et onctueuse, bien réchauffée par le soleil matinal, avant que son fond de val, moins exposé et plus forestier, nous réserve la bonne surprise de quelques portions de neige encore fraîche et poudreuse, blottie au cœur de ses replis topographiques ou dans les berges abruptes de son torrent terminal.
« La vérité de demain se nourrit de l’erreur d’hier. »
Antoine de Saint-Exupéry
Démarrage en douceur via les pistes ensoleillées du petit domaine skiable d'Eischoll.
L'air est doux, le panorama magistral et notre vendredi déjà réussi.
La croisée des chemins, pour nous aujourd'hui, c'est à Obri Senggalp qu'elle a lieu.
Après un court tronçon horizontal en direction de Tschorr, nous attrapons, avec bonheur, la branche orientale du chemin sensé nous mener à l'Ergischhorn.
En quelques hectomètres boisés nous passons de la douceur de l'air et des déclivités, à la froideur ombragée de la Verbrannte Wald ...
... et aux rugueux pourcentages de son étroit et incontournable goulet "double-cales" et "marches arrières répétitives".
Si nous souffrons et suons pour nous extraire du raidillon, il y a en pour qui l'ascension du jour est beaucoup plus aisée.
La petite redescente de la bosse de Ze Tschongu version "smiling telemark".
Notre arrivée dans la combe de Sängtelli coïncide avec la fin des traces visibles...
... et la découverte d'une neige changeante et de de plus en plus collante.
La longue remontée du petit vallon faisant face à l'entrée du célèbre Loetschental...
... nous fait alterner entre ébahissement, face à tant de beauté naturelle, et découragement occasionné par des skis de plus en plus alourdis par les "chocons"
La montagne d'en face, le Schafberg, dôme blanc tout à gauche, duquel nous avions repéré et projeté notre but du jour, dimanche dernier.
La saisons des ubacs : c'est évident qu'avec les récentes conditions météo, les "randos-adrets" ont du plomb dans l'aile, ou du ski à l'épaule.
Zigzags sommitaux et grupetto en phase d'approche.
Regarde où tu vas, les rochers du Turtmanntal sont réputés pour avoir la tête dure.
Encore une traversée vers la droite ...
... et une dernière vers la gauche.
Elle est pas "trop fastoche" cette rando ?
Attends, je finis de vomir, et je te réponds !
Allez, Laurent, active le pas, y a deux nouvelles.
Une bonne : on est arrivé ...
... et une mauvaise : on s'est trompé de sommet !
Pas de quoi en perdre l'appétit...
... ni le sourire pour le désormais incontournable selfie du jour.
Par dépit, ou peut-être par envie, nous décidons de tourner le dos aux frères Ergisch (horn et alphorn) et de plonger dans le vallon de Gorpat...
... où une moquette fine et délicate nous déroule son divin tapis moelleux...
... qui redonne aussitôt la banane même aux plus "entamées" physiquement.
Il suffit juste de bien observer chaque sous-orientation du versant avant d'y tailler des courbes tout en rondeurs...
... et en velouté.
La perte d'altitude et les changements d'orientation nous offrent alternativement des tronçons de ski semi-nautique...
... ou de ski-cross rugueux et croûtés...
... avant que le fond ombragé du vallon nous réserve la bonne suprise...
... d'une vaste portion de poudreuse légère et préservée...
... que nous avons bien du mal à déguster autrement qu'avec boulimie.
Quand le Gorpatbach se fait versatile, il faut savoir choisir son versant.