Cette phrase anglaise très connue aurait pu être écrite pour cette petite station valdotaine. Il suffirait de la traduire dans la langue de Dante : « piccolo è meraviglioso », pour qu’elle devienne le slogan de St-Rhémy-Crevacol. Après en avoir longtemps entendu parler, j’ai finalement eu l’occasion de traîner mon snowboard de l’autre côté des Alpes valaisannes, sur le versant sud du col du Grand-St-Bernard, juste à la sortie du célèbre tunnel routier du même nom. Arrivés sur place, la première impression est assez mitigée : une station inférieure lovée dans un lacet de la route internationale, un télésiège qui passe au-dessus de la galerie couverte, et une piste qui passe au-dessous, entre les piles de béton. Ca n’incite pas immédiatement à l’enthousiasme béat. Pourtant, vous avez tort. Les atouts de Crevacol ne sont pas au niveau de la station inférieure, mais plutôt sur les hauteurs. Dès l’approche de la station intermédiaire le charme commence à opérer : quelques splendides bâtisses de pierres sèches, typiques du Val d’Aoste, disséminées entre les courbes d’un relief harmonieux et doux, vous souhaitent la bienvenue. Certaines sont abandonnées, d’autres sont la propriété d’heureux autochtones ou d’autres encore ont été transformées en restaurant d’altitude. Vous n’aurez pas le temps de vous imprégner de l’ambiance chaude et sereine des lieux.
Le second remonte-pente vous emmène aussitôt vers le point culminant du domaine skiable : Testa Bassa, 2540 m. Perché sur la douce courbe de l’arête sommitale, face au col du Grd-St-Bernard et à son célèbre hospice, c’est le point de départ de tous les parcours qui vous permettent de dévaler les pentes de Crevacol. Du Piccolo Alpino au Merdeux, en passant par le Berrio Blanc et les Testa Bassa 1 et 2, une incroyable diversité de pistes et d’itinéraires vous invitent immédiatement à dévaler les 1100 mètres de dénivelé avec engouement. De crêtes arrondies en vastes combes, de pentes abruptes en plateaux successifs, le domaine skiable de Crevacol ne se révèle pourtant pas immédiatement. Il faut rayonner plusieurs fois à partir de Testa Bassa pour en découvrir peu à peu toutes les incroyables facettes et possibilités. Le choix des parcours est tel que parfois vous serez surpris de vous retrouver complètement seul au détour d’un vallon ou à l’abri d’une petite forêt de mélèzes. La variété des pentes et des orientations, du Sud-Est au plein Ouest, permettent de satisfaire à tous les goûts en matière de neige et de style. En plus la topographie peu accidentée du versant offre un vaste champ d’itinéraires hors-piste parfaitement sécurisés, le tout face à un panorama à la fois superbe et sauvage. Le seul bémol qu’il faut apporter à ce concert de louanges concerne la qualité de la neige : avec un ensoleillement aussi généreux il est fort improbable de trouver de la poudreuse plus d’un jour après les chutes de neige, particulièrement en mars et en avril. Et c’est probablement tant mieux, sans quoi le petit domaine skiable serait depuis longtemps envahi par les hordes de free-rideux avides de sensations et aurait certainement perdu sa sérénité et son cachet.
Quand vous aurez fait l’inventaire de toutes les pistes du petit domaine, vous aurez forcément l’estomac dans les talons. Aucun problème, faites donc un petit crochet par l’auberge située à mi-pente, entre les deux télésièges et laissez la générosité valdotaines faire son oeuvre. Vous pouvez d’emblée oublier tout ce que vous connaissiez en matière de restaurant d’altitude : la nourriture McDoniennne aseptisée des gigantesques self-services anonymes et froids. Ici tout est à l’échelle locale : un petit bâtiment de pierres, une vaste terrasse baignée de soleil face à un panorama grandiose, un personnel souriant et accueillant et surtout une nourriture authentique et riche : pasta, Fontina, jambon cru, tome fraîche, pizza, polenta, ragout et pancetta. Votre médecin vous fera sûrement la gueule lors de votre prochain contrôle, mais vos papilles vous en seront longtemps reconnaissantes. Inévitablement si vous insistez un peu, vous finirez par goûter au célébrissime café valdotain à la grappa dans une de ces grolles typiques qui ont fait la réputation de la région.
En matière de domaine skiable, la vérité n’est pas forcément là où l’on croit : le cachet d’un lieu pittoresque et ensoleillé et la richesse d’un petit domaine skiable à la topographie bénie valent parfois tous les kilomètres de pistes et leurs concerts de remonte-pente ultra rapides des grandes stations alpines.
En tout cas, après y avoir goûté une fois, une chose est sûre : je reviendrais dans la région. Encore avec mon snowboard si les conditions le permettent, ou alors avec mon VTT dès que la belle saison aura repris ses droits.