Cove Handjob XC

Jusqu’à ce que je ride pour la première fois ce Cove, je pensais que XC, qui vient de l’anglais X-Country (Cross-Country), était une appellation destinée aux VTT prévus pour tourner en rond sur des courses généralement herbeuses ou peu accidentées. Cette pratique, directement héritée du vélo traditionnel, est aussi celle qui est restée la plus proche des compétitions organisées sur la route. Elle intéresse avant tout une poignée de compétiteurs, recherchant essentiellement la performance et par conséquent des montures offrant un bon rendement. Tube supérieur rallongé, haubans redressés, bases courtes, fourche basse et matériaux allégés caractérisent des cadres à la géométrie nerveuse et l’efficacité reconnue, mais aux qualités de confort et de jouerie quasi inexistantes.
J’ai roulé toute la fin de saison 08 avec ce Cove à travers les montagnes de mon beau Valais et je ne vois toujours pas en quoi ce cadre peut-être caractérisé de XC. Quant à l’appellation « Handjob », je laisse les non anglophiles faire une rapide recherche sur Google Images pour juger par eux-mêmes de sa pertinence. Le service marketing Cove doit sûrement avoir de bonnes raisons pour avoir choisi cette double appellation singulière, mais j’avoue qu’elles m’échappent.

Passons donc sur cette dénomination douteuse pour nous pencher sur les caractéristiques arguées par Cove pour son Handjob XC.

– tubes en acier Columbus Nivacrom
– géométrie North Shore XC
– douille de direction renforcée
– possibilité de monter une fourche jusqu’à 130 mm de débat’
– dropout ouvre-bouteille ( ;o))
Evidemment, après ça, on replace un peu mieux le Handjob XC dans la philosophie que le fabricant de North Vancouver cherche à imprimer à ses produits. Sans être aussi exclusif que des marques comme Chromag ou Dialled, Cove, un peu à l’image de l’anglais Orange avec son P7, tente lui aussi le pari d’un cadre « all mountain/light freeride » hardtail en acier.
De prime abord l’idée peut paraître saugrenue, tant la suspat’ arrière semble indispensable à un tel cahier des charges, mais à regarder de plus près, en particulier sur la plupart des forums VTT reconnus, tous les heureux propriétaires de ce type de bike « steel new school » ne jurent que par leurs montures semi-rigides. Une telle unanimité, trans-marques, est extrêmement rare dans le petit monde du VTT, où les intégrismes de toutes sortes sont souvent légions. Pour mieux comprendre ce phénomène il faut regarder de plus près à la géométrie chiffrée d’un Handjob par exemple :
– Head Angle 68.5°
– Seat Angle 71°
– Top Tube (17”) 23”
– B/B Height 12.75”
Le doute n’est pas permis, angle de direction ouvert, tube supérieur court, on parle clairement là d’un cadre destiné à une pratique « all-mountain » , d’autant que ces valeurs ne sont sûrement pas mesurées avec une fourche à débat’ max, mais sur la base de valeurs moyennes. Pourtant, en matière de bike, aucune donnée chiffrée ne remplacera jamais un bon vrai galop d’essai.

Au moment d’enfourcher le Handjob, la première chose qui frappe est la faible section de ses tubes. Depuis que l’alu et le carbone ont été plébiscités par tous les fabricants VTT, leurs sections n’ont fait que prendre du volume et l’œil du vttiste-consommateur s’y est forcément habitué. Du coup le cadre du Handjob, même en couleur blanche qui ne devrait à priori pas l’affiner, fait très filiforme et n’inspire pas d’emblée un sentiment de solidité. Détrompez-vous, ce cadre en acier est pratiquement indestructible.

Une fois en selle, on se sent tout de suite à l’aise. Mon expérience des montages à la carte et ma parfaite connaissance des cotes selle/cintre/pédalier à appliquer, y sont certes pour beaucoup, mais la cohérence de la géométrie du Handjob y contribue forcément aussi. La position de pilotage, plutôt relevée, est très confortable et le sentiment d’homogénéité qu’inspire le bike tout de suite perceptible. Ce Cove semble fait d’un seul bloc. Petit et maniable, c’est un vrai jouet, au rendement surprenant pour un habitué de longue date aux tout-suspendus. Habituellement, qui dit rendement, dit aussi raideur et inconfort de l’arrière. Là encore, le Handjob surprend en bien. Avec un gros UST 2.3 peu gonflé, le Cove n’a rien, mais alors vraiment rien d’un « bout de bois » qualificatif justement associé aux hardtails XC en alu. Le choix de l’acier trouve ici une grande part de sa justification : souple et filtrant, ce matériau offre en outre une résistance supplémentaire fort bienvenue vis à vis de la pratique envisagée.

Un spad maniable et réactif pêche généralement du côté de sa stabilité. Pourtant, une fois de plus, ce Cove surprend. Si le cadre est effectivement compact, son boîtier de pédalier plutôt bas et la possibilité d’y associé une «vraie » fourche redonnent au bike bon nombres d’atouts en matière de stabilité. A propos de fourche, je voudrais redire ici tout le bien que je pense de ma Magura Menja 130. Simple et presque rustique, cette fourche est étonnamment performante. Le gros disque Hope de 205 mm ne semble jamais mettre à mal sa rigidité et son fonctionnement est pratiquement au niveau de n’importe laquelle de mes Fox, la fiabilité germanique en plus. Du coup le Handjob avale les obstacles comme n’importe quel « full AM» et en veillant un peu à canaliser son arrière toujours vivant, sa stabilité générale est rarement prise en défaut. Au delà d’une certaine vitesse, il est évidemment clair que l’avantage apporté par une grosse suspat’ arrière bien molle, redevient inégalable, particulièrement en terrain très défoncé. Mais on commence à flirter là avec les frontières du « All-Mountain/FR light » et même si le Handjob possède énormément de qualités, le FR/Downhill n’est clairement pas sa vocation

Tout ça pour dire que j’adore mon Cove Handjob XC. Ni vraiment léger, ni vraiment original, ce spad, plein de personnalité et de charme, regorge pourtant de qualités.

C’est bien simple, je dois me raisonner pour ne pas tout le temps l’emmener avec moi, quelle que soit la rando prévue. C’est véritablement le deuxième vélo parfait. Très complémentaire avec un gros TS, il parviendra même parfois à lui faire de l’ombre… en tout cas dans votre cœur.

Au-delà de ce spad lui-même, mon avis est que, plus les grands fabricants persévèreront dans la voie des vélos technologiques et sophistiqués, plus ce marché de niche de vélos simples, efficaces et « sans âge » prendra de l’ampleur. Qui vivra, verra , mais en la matière, les petits fabricants artisanaux ne seront peut-être pas les premiers à mordre la poussière du capitalisme effréné qui caractérise de plus en plus les grandes marques de VTT et leurs fonds de pensions américains d’actionnaires.