Trois lettres jetées aux vents. Une voyelle, deux consonnes, sorte de cri guttural resté prisonnier de la gorge qui était sensé l’émettre. 13 petits chalets de bois, accrochés au-dessus des à-pics du Baltschiedertal, à la situation folle et au nom improbable, pour une rando ENORME.
Prenez un sympathique samedi de printemps, au hasard, le dernier du mois d’avril, une météo un peu chafouine mais rapidement ébouriffée par un foehn aussi tempétueux que prometteur, une kyrielle de hameaux d’altitude aux noms tous plus invraisemblables les uns que les autres, beaucoup de dénivelé positif, genre 1’500 mètres d’une seule traite, du chemin parfois aléatoire, souvent vertigineux, toujours exigeant, quelques tronçons de portage pour relever l’assaisonnement, un incontournable bisse de retour vers la plaine, dispersez le tout dans un vrai pays de loups et secouez énergiquement par quelques longues heures de selle, disons 6 et des poussières. Vous obtiendrez un savoureux cocktail à déguster à la mi-été, quand les journées sont sans fin, la forme physique généralement de retour et les jambes aussi affûtées que le souffle.
Parfait, voilà encore une ENORME rando à rajouter à notre play-liste VTT.
Oui, mais le truc, c’est qu’on est encore qu’au mois d’avril …
Du coup, on commence à se demander de quoi notre mi-été VTT sera faite.
Chumma, Erb, Schliecht, Eggerberg, Berg, Eggen, Hohwang : une litanie des noms de hameaux qui s'égrènent le long de l'étroit ruban de bitume que nous suivons depuis Viège .
Finnu, trois minutes d'arrêt ! Juste le temps d'admirer l'incroyable panorama que ce village perché à 1'400 mètre offre sur le Vispertal et, accessoirement, d'avaler un morceau de banane roborative.
Finnu, Bodma, Wägscheitu, Meinimatte, Chastler, Sättle : la litanie reprend, mais le terrain, lui, change radicalement. Ce qui n'est pas pour nous déplaire.
Un superbe single à flanc qui offre un vue plongeante de premier ordre sur les stigmates du récent incendie viégois.
La traversée du centre-ville de Bodma, à l'heure de pointe, se passe finalement bien mieux que prévu.
Le single de Salwald : une petite pépite de douceur dans un monde de raidillons tous plus abrupts les uns que les autres.
Contre-jour pour une séance de jardinage mé-mo-rable. Les innombrables intersections-pièges disséminées dans la vaste forêt de Chalchofewald nous coûterons 45 harassantes minutes d'aller-retour.
Une fois remis sur le bon chemin, reste encore à l'escalader...
... pour se hisser jusqu'au petit oratoir d'Honegga.
Honegga-Honalpa : un retour à l'horizontalité aussi inespéré qu'appréciable...
... même (ou surtout) si dans ce secteur, seul notre single joue en mode horizontal.
Secteur que nous nous empressons d'avaler goulûment, comme une sorte de dessert avant l'heure.
Un étroit ruban de terre en pente douce, paradoxe d'un royaume de verticalité...
... quelques mélèzes centenaires, accrochés au bord du vide...
... et un troupeau de bouquetins placides que nous devons malheureusement tirer de leur sieste pour pouvoir passer.
Honalpa - 1992 mètres d'altitude. Purée, pour une rando qualifiée de printannière, ça commence à faire haut.
Fort heureusement, si notre destination du jour se trouve encore plus loin dans le Baltschiedertal, elle se situe désormais 200 mètres plus bas.
Grâce à cette descente insoupçonnée, Erl et ses 13 chalets suspendus sont rapidement en vue.
Enfin en vue seulement, parce qu'au niveau du terrain, il reste encore quelques pièges à déjouer...
... dont ce dernier portage pour nous extraire des restes d'avalanches du Furggbach n'est pas le moins éprouvant.
Bon, allez, on va quand même pas arriver à destination sans remonter en selle.
Erl. (rien à rajouter)
Trois fruits secs plus tard, la descente tant attendue, déroule déjà sous nos roues son étroit sentier tortueux.
Si la pente du versant est assez phénoménale, les innombrables lacets du single nous propose un début de descente parfaitement roulable.
Le truc, c'est juste qu'il faut éviter de poser ses roues à côté du chemin.
La définition d'une M.A.C. (machine à coudre) par l'image.
A l'approche du torrent, le terrain devient encore plus vertical et le chemin, plus caillouteux.
Si bon nombre d'épingles sont désormais trop engagées, voire carrément impassables, les traversées les reliant restent parfaitement gérables.
Enfin, presque...
Des lacets qui s'espacent et un environnement qui reverdit annoncent notre arrivée au fond du Baltschiertal.
Terrain de connaissance, le superbe Gorperi Suon, nous y attend...
... pour un délicieux retour vers la plaine bercé par le tumulte de l'eau et agrémenté d'innombrables petites galeries percées dans le granit.
Cinq ans ont passés, mais la vertigineuse passerelle surplombant le Baltschiederbach est toujours au rendez-vous. L'assurance de sieur JP, un peu moins, surtout dans les incroyables bourrasques d'un foehn de plus en plus forcissant.
C'est sympa ces sorties de printemps : 1500 mètres de D+ et 6 heures de bike, un programme aussi subtilement dosé devrait, en principe, rapidement nous remettre en forme.
Surtout si nous arrêtons de croiser d'aussi accueillantes "Wirtschaft" proposant de la bière fraîche, sur notre chemin.