Après un mois d’août particulièrement exécrable qui a nécessité de complets décrassages de nos montures après les quelques sorties dignes de ce nom il semble que les prévisions optimistes des météorologues pour un retour de l’été indien tiennent leurs promesses. Mais à défaut de pouvoir rouler enfin dans les Alpes (ce sera pour le début de l’automne) nous nous contentons de nos crêtes et de nos vallées jurassiennes qui tiennent toutes leurs promesses en terme de dénivelé, de singles, de sueur et de plaisirs gustatifs et post-effort. Cette fois nous avons profité de conditions idéales pour faire une incursion dans le canton de Soleure au-dessus de Granges.
Cette ville industrielle et horlogère abritant l’usine BMC est dominée par un cirque de rochers très impressionnant, alors que les crêtes environnantes sont toutes garnies de nombreux passages techniques, de singles bien gras abondamment pourvus en racines et rochers glissants. Quant aux quelques fermes-auberges piégeuses du coin elles peuvent engendrer de dangereuses conséquences pour le vététiste non averti: prises soudaines de taille et euphories alcoolisées post-arrêt nécessitent une concentration telle que la conduite de la merveille technologique sur laquelle est posé notre séant devient vite problématique aux vitesses que ladite technologie peut induire. Mais comment résister au subtil mariage des divins produits du terroir avec ce qui ce fait de mieux en matière de VTT et de plaisirs qui en découlent?
En bref une sortie entre potes, ludique, technique, mais aussi roborative et odorante dans des lieux magiques et connus qui nous laissent à chaque fois l’envie insatiable d’y revenir: montagne de Romont, de Granges, de Büren, Pré Richard, Envers de Court,… Autant de noms qui fleurent bon la terre jurassienne, avec son relief adouci, ses lumières de fin d’été, mais aussi ses obstacles à franchir (portails, clédars, chicanes à VTT) et ses bouses nombreuses (ici on les appelle beuses) dont les restes sont si difficiles à éliminer une fois séchés sur le cadre ou les poils des molets!
Quelques minutes de rude montée depuis Plagne et déjà les pulsations sont au maximum.
Ruban de gravillon calcaire si typique de la région mais toujours aussi cassant et usant.
Une courte portion asphaltée à 18% augure bien de la suite du programme du jour.
La métairie de la Montagne de Romont, célèbre pour ses meringues et son jambon paysan. Mais aujourd'hui les agapes sont prévues sur une autre chaîne de la région!
Pâturages, sapins et ciel d'azur: le pur bonheur du vététiste jurassien frustré par un mois d'août à oublier au plus vite.
Un dernier effort avant d'atteindre la frontière de la Germanie: le canton de Soleure est à 200 mètres.
Un mois de météo pluvieuse et froide a laissé des traces sur les chemins forestiers durement malmenés par la mécanisation du bûcheronnage. La concentration est une nécessité permanente.
Retour sur asphalte pour 2 km à partir du col du Stierenberg : hard live never ends.
Dernière rampe et dernière épingle avant la Montagne de Granges du Bas et son antenne de télécommunications qui nous domine.
Asphalte surchauffé pour vététistes en sueur par beau jour sans vent. Ah que la plaine est loin…
L'avantage de promener ses crampons en terre jurassienne est parfaitement illustré ici à la Montagne de Granges : toute la musculature de l'athlète est mise à contribution, créant ainsi un équilibre parfait que bien des alpins nous envient. Merci au monde agricole pour les nombreux obstacles mis en place pour nous empoisonner la vie…
Les brumes naissantes et la lumière bleutée laissent entrevoir le roi Chasseral au loin mais rappellent également que l'automne est proche.
Le bonheur est dans le pré : le but est proche et la célèbre éolienne du Grenchenberg nous attire irrésistiblement, mais le terrain bien herbeux tire sur les mollets chauffés à blanc.
Les célèbres rochers de Granges et le chemin qui serpente à leur base, inatteignable sans descendre de sa monture. Ce sera pour un autre jour, pour l'instant on reste sur les hauteurs.
Le panorama se dévoile sur 180 degré, permettant d'entrevoir la Forêt Noire au loin. Nous basculons sur la vallée de Tavanne et la crête de Montoz.
Ludique mais exigeant physiquement le single traverse la forêt de l'Envers de Montoz, durement touchée par une terrible tempête en 1986.
Le panorama est grandiose et embrasse tout le Jura. Instants sublimes que l'on voudrait prolonger indéfiniment: le silence et les effluves pré-automnales nous plongent dans un état d'esprit bien loin des contraintes quotidiennes. Mais le temps passe et les agapes vont nous tendre les bras dans quelques minutes.
Un des plus beaux points de vue de notre tour, face à la montagne de Graitery, là où la neige m'obligeait encore à mettre pied à terre au mois de mai!
Le gros du dénivelé positif est derrière nous, la cerise du gâteau (ou de la meringue) nous attend dès maintenant.
Quel bonheur de pouvoir dominer toute la vallée de Tavannes et de tutoyer la montagne de Moron et sa célèbre tour de Mario Botta juste en face de nous.
Le pâturage du Buement, sauvage et bien garni en bouses fraîches odorantes et collantes.
L'instant de bonheur suprême, la quintessence jouissive du vététiste rabelaisien, le Nirvana des métairies jurassiennes nous submergent enfin: ah que la meringue est bienvenue, arrosée d'un peu de nectar tiré du sérum lactique. Nos organismes mis à contribution vont pouvoir se recharger en sucre rapide et en glycogène. Que du bio laissant l'estomac léger et la tête lourde, ou inversement selon le récipiendaire. Vive la métairie du Pré Richard.
A peine les agapes terminées que la route du retour nous attire irrésistiblement. Mais la position du vététiste laisse deviner un déplacement du centre de gravité dû à l'ingestion de produits modifiant le métabolisme. Merci meringues!
Dernières projections de bouse dans les superbes pâturages dominant la montagne de Büren.
Les nouveaux passages contrôlés pour vététistes concentrés sont enfin à la hauteur de nos attentes, après des années de galère à lutter contre les clédars et les portails bloqués et grinçants. Où la technologie moderne au secours du pauvre sportif confronté au lobby agricole.
Plagne est à portée de crampons après une descente d'enfer sur le vallon de Péry et une dernière rampe bien pentue. Douche et le gueuleton vont être au rendez-vous.
Une dernière traversée de jungle avant la délivrance finale. La végétation dense et urticante associée aux nombreux tiques prêts à fondre sur tout animal à sang chaud nous rappellent certains films glorifiant l'embuscade tonkinoise.