Après un début de juin plus qu’arrosé sur les crêtes jurassiennes il était temps de bénéficier d’une fenêtre météo favorable pour aller à nouveau user mes crampons sur les sommets dominant le plateau et le pays des lacs. Les pluies abondantes de la nuit précédente ont fait place à un soleil généreux parfois voilé de gros nuages baveux et un air pur aux couleurs saturées. Toutes les conditions sont donc favorables, y compris un terrain bien gras et technique, pour que le tour d’aujourd’hui soit un grand moment de bonheur.
Le but du jour est le Mont Sujet, en quelque sorte le petit frère du Chasseral qui le surplombe au nord de quelques 230m. Premier sommet digne de ce nom au dessus du lac de Bienne il domine le Seeland et dévoile un panorama extraordinaire par temps clair comme aujourd’hui. Je délaisse l’accès classique par Orvin pour un itinéraire plus joufflu débutant à Frinvillier et passant par Macolin et sa Haute école fédérale de sport, avant une traversée en pâturages sous le Mont-Sujet, puis une montée jusqu’à l’ouest de la crête sommitale, avant une grimpée au sommet. La descente qui suit est un pur bonheur sur des singles parfois chaotiques, entrecoupés de moult clédars et autres portails souvent vicieux, l’article précédent Decipimur Specic Recti en ayant donné un aperçu représentatif.
Au final un tour relativement facile, mais une véritable cure de jouvence pour les sens : odeurs grasses et saturées de la végétation très abondante, oiseaux et sonnailles dominant le cliquet de roue libre et panorama génial donnent plus envie de s’allonger sur l’herbe que de poursuivre l’effort. Heureusement les quelques métairies abondamment garnies en meringues et assiettes froides permettent de mieux faire passer la pilule du retour à la civilisation.
Première partie de rando facile mais parfois bien raide (les participant à la ChasseralTT 2002 doivent s'en souvenir) au-dessus de Frinvillier, suivie de quelques singles très gras et demandant une concentration maximale.
Retour pour quelques instants à l'asphalte au-dessus du stade de la Fin du Monde, infrastructure de la Haute école fédérale de sport de Macolin.
La Hohmatt passée, la vue s'élargit et le sommet de Macolin est à portée de crampon avant une transition rapide sur l'extrémité est du plateau de Diesse.
Le plateau de Diesse, avec au loin Chaumont, est une terrasse dominant le lac de Bienne. Le single est délaissé un court instant pour un retour rapide dans un environnement plus agricole.
L'arrière de Macolin est peu représentatif de l'effort nécessaire pour grimper sur son flanc est depuis Bienne.
Eprouvant pour les jambes le terrain très gras des pâturages de la Côte est ludique, avec parfois quelques belles beuses détectées trop tardivement et particulièrement adhérentes aux cadres de nos montures… Le bonheur est vraiment dans le pré.
L'hôtel de Chasseral, à peine à 5km, n'est pas le but du jour. Il fera l'objet d'un assaut en règle un de ces prochains week-ends.
Fin d'un petit tronçon goudronné avec le maître en arrière-plan. Chasseral est vraiment le Cervin de la région. Même s'il n'atteint que 1607m il reste une valeur sûre au nord du Plateau, et atteindre son sommet à VTT demande une bonne dose d'effort suivant l'itinéraire choisi. Et de ce côté-là je peux me vanter d'en connaître un bout. Avis aux amateurs.
La métairie de la Grand Maison domine le flanc ouest du Mont Sujet. Arrêt bienvenu pour vététistes fourbus, elle marque le début du single le long du balcon sud du sommet.
Vert profond des pâturages et ciel aux cumulus joufflus composent un tableau jamais lassant. La sérénité des lieux alliée au fait que je suis roule seul me rend philosophe autant que sportif. N'est-ce pas cette sensation que je privilégie à l'effort pur et dur?
Un obstacle sensé aidé le vététiste mais qui au fil des années s'est dégradé au point d'exiger des talents d'acrobate à l'inconscient qui s'y aventurerait. D'où la nécessité pour moi de dissocier monture et cavalier pour immortaliser l'objet.
La vue sur le Plateau et le Seeland est superbe, malgré les nombreux obstacles mis sur mon chemin.
Typiques des pâturages jurassiens les murets de pierre se dégradent peu à peu, mais leur efficacité lors des tentatives de franchissement sauvages est toujours garantie.
Le Mont Sujet approche, la bosse sommitale aux herbages bien gras demande un gros effort de roulage et une attention constante pour éviter les abondants souvenirs bovins odoriférants.
La grande gentiane jaune, composant de base d'une boisson roborative typiquement jurassienne au goût de terroir (si ce n'est de terre), bien utile pour soulager l'estomac au sortir d'une fondue. Tiens, je pourrais bien pondre un petit article sur la fabrication artisanale et parfois clandestine de ce nectar.
Le maître Chasseral domine toute la région, son sommet pelé témoigne des conditions parfois dantesques qui y règnent l'hiver et par temps d'orage.
Le sommet du Mont Sujet n'est représenté que par quelques cailloux sur lesquels j'ai peine à appuyer mon Golddigger. Le lac de Neuchâtel semble bien loin, comme dans une autre dimension.
Le Mont Sujet est une série de trois sommets d'altitudes différentes, séparés par de petites vallées appelées selles. La chaîne jurassienne se poursuit au loin avec les sommets soleurois et argoviens.
En face, sur la chaîne de Chasseral, les métairies d'Evilard et du Pré Carrel sont autant d'arrêts bienvenus pour les gosiers assoiffés des nombreux marcheurs du jour.
Dernier regard sur l'antenne de Chasseral qui me m'attire comme un aimant. Ce sera pour une autre fois, le détour demanderait deux heures supplémentaires de crapahutage.
A peine visible entre les arbres la Bergerie du Bas m'attend pour un verre bien mérité et un instant de repos. C'est que la descente s'annonce rude.
La descente du sommet à la métairie de la Noire Combe permet de survoler quelques bosses, vestiges des tranchées creusées en 1939-1940. Le panorama grandiose explique l'intérêt porté un temps à ce point d'observation privilégié du Plateau suisse.
Si simple, si vert, si bleu et pourtant si beau.
La Bergerie du Bas et son accueillante terrasse ne seront bientôt plus qu'un souvenir, de même que le Mont Sujet qui les domine.
Dernier obstacle
Dominant Orvin et son vallon l'arrivée du téléski des Prés d'Orvin est un point de vue superbe sur les sommets que je connais si bien : Montagne de Granges, de Boujean, de Plagne, Montoz, Weissenstein,… D'ici je peux lâcher les chevaux, en me méfiant toutefois des quelques fils électrifiés que les agriculteurs locaux, peu vététistes à leurs heures, n'auront pas manqué de placer idéalement à hauteur de guidon.