Un peu « refroidis » – c’est vraiment le cas de le dire – par ce début février au parfum de mini-glaciation, nous avons finalement décidé de ressortir nos skis pour aller rendre visite à une crête « chère aux veillées », sise entre Bourg-St-Pierre et la toujours sauvage Combe de La. Habituellement protégée des entrées de bise et dotée d’une vaste face orientale baignée de soleil matinal, la Crêta de Vella nous semblait offrir un itinéraire parfaitement «acceptable » pour affronter ce nouveau dimanche matin sibérien.
Pari à moitié gagné. Si l’ensoleillement était au rendez-vous des 9H30 du côté de Bourg-St-Pierre « downtown », question vent, par contre, notre option s’est révélée moins judicieuse qu’espéré.
Notre escapade résumée par 3 températures :
– Départ en douceur : un petit -20° C, avec une absence de courants d’air avantageusement remplacée par l’habituelle plongée matinale vers le pont de Tsaveresse.
– Petit pic de chaleur autour des -15°C, juste ventilés comme il faut, dans les premiers hectomètres ensoleillés de la rive gauche du torrent des Arpalles.
– Et, « last but not least », une splendide brochette sous les -25°, rafraîchis par un souffle tenace, dans le lac d’air froid du « jamais aussi » vaste plateau de l’alpage de Champlong.
Dimanche prochain, promis, on tente la plongée en apnée dans une cuve d’azote liquide.
Vitrifiés pour vitrifiés, autant souffrir moins longtemps…
Bourg-St-Pierre : 9H30, -20°C et (habituellement) un agréable départ en descente.
Pont de Tsaveresse, cinq minutes plus tard : pour les pommettes, il reste un peu d'espoir, mais pour le bout du nez, c'est clair, c'est déjà mort.
Le passage de l'incontournable barrière qui marque l'entrée des pâturages de l'alpage de Champlong : un anodin aléa sur un début d'itinéraire en pente douce.
Une petite heure de route forestière pour vérifier que toutes les extrémités de notre anatomie ont survécu aux frimas de la descente initiale...
... avant d'attaquer le plat de résistance habituel de la rando : la toujours coriace ascension jusqu'au plateau de l'alpage de Champlong...
Si la trace n'est pas aussi déversante qu'à l'accoutumée, elle est, par contre, agrémentée d'une bise particulièrement réfrigérante.
L'Auberge les Charmettes, le Bivouac-de-Napoléon, le Petit Vélan, le Crêt, le Moulin, le Mont-Joux : le village de Bourg-St-Pierre ne manquent pourtant pas d'établissements publics accueillants et probablement bien chauffés.
Quelle mouche nous a piqué pour les snober avec une pareille froidure ? Réponse au hasard, la passion du ski de rando ?
Et en plus, quelqu'un a oublié de refermer la porte du congélateur de Champlong.
Glacial, c'est le prénom et inhumain, le nom de famille, de ce (très long) tronçon horizontal.
Quand le serre-tête se transforme en tour de cou et que le bonnet doublé est appelé à la rescousse, c'est que la Sibérie n'est plus très loin.
Heureusement, en changeant de rive du torrent, on troque le vent glacial s'écoulant dans la vaste cuvette naturelle pour un petit biset légèrement moins pénétrant.
Petit-Combin, Aiguilles et Combin de Boveire, Mérignier et Ritord : une belle brochette de sommets qui ne donnent pourtant pas vraiment envie par une journée aussi glaciale et ventée.
La pente finale tracée très directe n'offre ni répit, ni temps mort pour apprécier le paysage. Vues les conditions du jour, c'est peut être mieux comme ça.
1000 mètre de D+ plus tard, nous voici déjà/enfin (cocher ce qui convient) au sommet.
Un panorama époustoufflant pour une séance de changement de maillot de corps pas "piquée des vers".
Notre pic-nic sommital attendra des jours meilleurs.
Je me souviens pas d'avoir été aussi pressé de perdre de l'altitude, malgré un manteau neigeux pourtant traître en diable.
A un mètre d'écart, les conditions de neige passent de la poudreuse en cours d'alourdissement à du cartonné super piégeux.
Un vrai jeu de hasard, dans lequel, malgré une observation attentive, il reste très difficile d'anticiper les changements de revêtement.
La retraversée du lac d'air froid de Champlong, version schuss réfrigérant et vent dans le dos. Une simple formalité par rapport à la montée.
Quand on opte pour les combes ombragées, ce sont les crêtes ensoleillées qui recèlent la meilleure neige...
... et quand nous choisissons de ressortir de l'étroit boyau, ses berges ne sont déjà plus que neige croutée et appuis cassants et fragiles.
A loterie nivale, il n'y a aujourd'hui aucun tître de gagnant qui dure plus de 50 mètres.
Le mieux est de ne pas descendre le premier et d'observer.
Mais, là encore, avec une marge d'erreur de moins d'un mètre, rien n'est vraiment garanti.
Pourtant, plus on descent, plus les conditions de neige s'améliorent, parce qu'ayant probablement moins subies les assauts du vent.
Les 112 mètres de D+ à escalader pour regagner Bourg-St-Pierre : un insolite et harrassant jeu de pistes pour éviter de se retrouver enfoncé jusqu'à mi-cuisses.