Voilà peut-être les deux dernières vallées valaisannes qui n’avaient encore jamais vu passé nos roues cramponnées. Séparées par le verrou du Seehorn et son immanquable antenne relai, reliées par le célèbre col du Furggu, elles sont les deux ultimes vallées latérales avant l’Italie. Le Laggintal qui coure du hameau de Gabi en direction du majestueux trio de 4’000 dominant Saas, Fletschhorn, Lagginhorn et Weissmies, et son voisin du sud, le Zwischbergental, le bien nommé, qui démarre de Gondo pour aller flirter avec la crête frontière et les premiers pics aux consonances transalpines, Pizzo d’Andolla, Cima del Rossol, Pizzo Straciugo, possèdent plus d’alpages et de chapelles d’altitude que d’habitants à l’année, comme c’est souvent le cas dans certaines vallées germanophones du Vieux-Pays.
Alors évidemment, découvrir une vallée inconnue via sa route d’accès principale (il faut le dire vite), très peu pour nous. Franchir le Furggu directement par l’incontournable Stockaperweg, encore moins. Par contre, aller fureter au fin fond du « Laggin » avant d’entamer l’ascension puis la traversée intégrale de son abrupt et rugueux versant sud via son « bergweg », là oui, tout de suite, ça nous parle. Et si, en sus, vous rajoutez une plongée dans le « Zwischberg » via les lacets empilés du chemin de Chatzhalte, alors là, on va rapidement devenir amis, je pense. Et enfin, à supposer que pour couronner toutes ses heures de crapahutage et de sueur, vous nous proposez un plat de pâtes avec bolo maison et verre de vin sur la terrasse du surprenant et fascinant Stockalperturm à Gondo, on pourrait même peut-être le rester pour la vie.
Encore un petit matin frisquet, et encore un hectomètre de bitume puant.
Et toujours ce Stockalperweg. Quelle VDM ! (Vie De Merde)
Y a pas à dire, tout dans cette région nous éblouit et nous rend petits.
Le fameux lacet du matin, vérificateur inflexible des yeux en face de trous.
L'alignement semble à peu près correct, malgré des paupières encore à demi-collées.
L'émersion au soleil. Chaque jour un peu plus tardive, chaque jour un peu plus bas dans la vallée.
Une bonne idée ces garde-cops de pierres empilées pour éviter que les lacets soient coupés.
Train-train désormais quotidien.
Petit déj' bis sur la terrasse du Fletschhorn, à Simplon-Dorf, ou comment remettre un peu de caféine dans le tube (et pas seulement dans le pneu).
La fameuse route principale du Laggintal.
Ici plus qu'ailleurs, mieux vaut ne pas oublier de bien s'asperger de spray anti-loup.
La fin de la route ne signifie en rien la fin du chemin et encore moins, celle de l'histoire.
La passerelle sur la Laggina en ouvre d'ailleurs aussitôt un nouveau volet.
Un volet abrupt qui débute, se poursuit et se termine par un long, très long stage de sherpa.
Enfin, il existe aussi une option "jinrikisha" (pousse-pousse japonais), moins harassante, mais plus exigeante en pilotage.
On est pas sur terre pour porter la croix des autres. Encore moins leur vélo.
Obre Stafel, quelques pierres ingénieusement empilées et trois moutons abandonnés en guise de comité d'accueil. La fête s'annonce folle.
Et, en parlant de fête, voilà déjà celle de la selle. Pendant une bonne heure, elle aussi, nous avait manqué.
Alpa Galu, un pâturage, haut perché, perdu...
... et agréablement roulable, grâce à sa faible déclivité inespérée.
La recherche du lac sans nom, point de contournement de notre itinéraire improbable, redonne de l'allant au groupe.
Blottie contre le versant du Galihorn, nous finissons par découvrir la timide mais charmante tâche de turquoise.
Trois photos d'une eau en passe de se changer, non pas en vin, mais en glace, si on en croit les prévisions météo ...
.... et nous voilà déjà embarqués pour la plus folle traversée jamais entreprise. Et pourtant, nous en avons déjà connu de bien velues.
Furtive sente amoureuse de genévriers et myrtilliers, cherche bikers motivés pour tenter de la suivre. Voire plus si affinité.
Avec une bonne dose de conviction et un peu d'imagination, l'affinité semble presque être au rendez-vous.
Mais le caractère revêche de la belle traitillée finit par décourager les soupirants les plus enamourés.
Après avoir franchi les abimes du Guggiligrabe, puis du Dristulgrabe, nous finissons par retrouver la vallée principale menant au Simplon. C'est déjà ça.
Pour autant, rien n'est encore gagné, sinon quelques séances de sherpa supplémentaires, dont quelques unes, même descendantes. Non, mais allo, quoi ?
Pourtant, à force de ténacité, le Tschuggmatthorn (petit frère du Cervin ?) finit par être contourné...
... et le Furggu, au sortir d'un S serré comme un corset, enfin dévoilé.
En deux coups de guidons et un peu de conviction, nous voilà rapidement à filer à travers ses prés...
... à la rencontre d'un troupeau de caprins pas vraiment pressé de retrouver, d'abord la bétaillère, puis l'écurie pour l'hiver.
Quelques cailloux volants pour décourager un chien trop curieux et agressif, et nous retrouvons notre meilleur ami de la semaine : le Stockalperweg...
... variante Gabi-Furggu-Gondo. Pourquoi se laisser couler quand on peut passer par les hauts ? Pourquoi rester bas du front, quand on peut s'élever ?
Si les mystères d'Herr Stockalper sont véritablement impénétrables, son divin chemin plongeant vers Chatzhalte est, lui, par contre, particulièrement délectable.
Tout en rondeurs et en terre meuble, il n'en finit ni de sinuer, ni de s'enrouler à grands renforts de lacets.
Une perle pour bikers inspirés, lovée dans un écrin de mélèzes défiant les lois de l'apesanteur.
L'oeil déjà sur le prochain retournement de situation et l'index encore sur les leviers de freins.
Coordination, équilibre et sens de la trajectoire feront le reste. Ou pas...
Quand le Sera Stausee est annoncé, c'est que le Stockalper a déjà commencé à jouer à saute-mouton avec l'autoroute du Zwischen.
Dessus, dessous, peu importe la position. Quand on aime, on ne les compte pas et on les accepte toutes.
Après une dernière séance de marteau-piqueur finale, nous voilà de retour à Gondo Downtown.
Avec une table réservée sur la terrasse du singulier Stockalperturm, la suite s'annonce sous les meilleurs auspices. T'as qu'à piquer ma bière pendant que je prends la photo !
Nos amis haut-valaisans n'en finiront jamais de me scotcher. Un veau du jour et plus de place dans la bétaillère ? Pas grave, la Seat de Madame fera l'affaire.
Autre affaire, à faire et à refaire, les pâtes du chef à la sauce bolo...
... et le dessert des contrebandiers servi avec le sourire et la bonne humeur communicative du patron.
Que demander de mieux, sinon une chaise longue en attendant le prochain H+17.
Ce n'est bientôt plus un car postal, c'est carrément une Uber Car réservée pour nous.