Quelle étrange coïncidence: alors que Steph et ses potes s’élancent sur les hauts du Lötschental nous venons d’attaquer au même instant et quasi au même endroit une sortie devenue une grande classique d’automne. Alors que d’aucuns accomplissent leur pèlerinage annuel sur Varneralp nous privilégions les sentier de Goppenstein à Kandersteg en passant par les lieux mythiques que sont Faldumalp, Niwenalp, Bachalp, Tschärmilonga, Gemmi, Schwarenbach et Spittelmatte. Une sortie longue et exigeante entre amis « abyssins », et bénéficiant d’une météo exceptionnelle (voir l’article précédent).
Pour sa seconde édition cette sortie a tenu toutes ses promesses: paysages enchanteurs, température très fraîche puis quasi estivale, singles superbes mais exigeants, dénivelés conséquents, puissantes odeurs post-estivales et lumière automnale sublimale.
Au final une journée inoubliable promise à être renouvelée et que les images peinent à résumer.
Quelques degrés au dessus de zéro rendent le départ pénible pour certains du côté de Kandersteg. Heureusement que la navette à travers le Lötschberg est chauffé.
La transition sur Ferden est enfin derrière nous et les premiers rayons solaires nous cueillent sur le dernier tronçon asphalté avant l'unique élément digne de nos crampons: terre et pierre.
Le ciel merveilleusement bleu et le mercure qui grimpe allégrement nous poussent à gagner Faldumalp au plus vite et c'est sans regret que nous abandonnons le goudron à Bärsol.
La vue de plus en plus imprenable sur le Lötschental accompagne notre allégement vestimentaire, alors que les calories brûlées augmentent proportionnellement.
La forêt se raréfie en approchant de Faldumalp dominé par la masse du Schwarzhorn. Ô divin bonheur de rouler dans pareilles conditions…
L'instant magique par excellence, où l'on découvre enfin ce bijou de hameau qu'est Faldumalp, balcon et point de vue exceptionnel permettant d'embrasser l'entier du Lötschental et même beaucoup plus. La piste est large mais raide et les pulses difficiles à maîtriser tant est grand notre besoin de toujours rouler plus haut.
Le sublime Lötschental déroule sa face nord jusqu'au célèbre col de la Lötschenlücke. Et là, quelque part du côté de Laucherenalp, trois autres bikers d'Alpavista apprécient les lieux à leur juste valeur.
Myrtilliers vieillissants, mélèzes encore verts, sommets célèbres au loin et ciel bleu forment un délicieux cocktail que nous dégustons sans retenue malgré la pente soutenue.
Oberi Meiggu marque le point de conversion sur la vallée du Rhône. Dernier regard sur la vallée des masques en bois, des noms de lieux imprononçables et de la civilisation montagnarde relativement protégée, avant de tourner nos crampons vers les hauts alpages dominant la vallée.
Le point culminant de la matinée est en vue et l'acide lactique commence à gagner nos mollets fourbus. Le single est large mais les pluies et la neige de ces derniers jours ont rendu le sol glissant et instable. La prudence est de mise alors que les projections de terre et de boue tapissent nos fonds de cuissards et nos lunettes…
Le pâturage du Heruhubel atteint nous pouvons enfin souffler après 1100m de montée. La cuvette de Stafel marque le début d'un tronçon ludique à souhait jusqu'à Nivenalp. Les chevaux peuvent enfin être lâchés au détriment des disques qui vont chauffer dangereusement jusqu'à Underi Fäsilalpu.
Et dire que d'ici quelques semaines ces lieux enchanteurs et si propices à notre passion vont disparaître sous des mètres de neige pour plusieurs mois…
De Underi Fäsilalpu à Nivenalp se déroule un des plus beaux singles de la région, avec tous les ingrédients qui nous fascinent: panorama d'anthologie, végétation odoriférante et sublime, technicité moyenne mais physique, et surtout quasi absence de promeneurs puisque ici le biker est privilégié par rapport au bipède.
La pause sandwich suivie d'une petite sieste est derrière nous. Il s'agit maintenant de grimper à Bachalp puis à Oberu et Teugmatte, une bonne ascension dans des conditions estivales et en pleine digestion. L'effort sera rude, on a souffert en ces lieux l'année dernière.
Le fameux single au-dessus de Bachalp, toujours aussi exigeant sur terrain humide, mais ô combien gratifiant sous un ciel toujours aussi bleu.
Les hauts de Chermignon marquent un nouveau tournant permettant d'admirer les falaises de la rive droite de la vallée de Loèche, et notament le célèbre chemin en falaise permettant de rejoindre Varneralp puis Montana. Un panorama grandiose qui coupe toujours le souffle déjà bien entamé par l'effort constant sur un single qui ne finit pas de jouer les montagnes russes.
Alpage de Tschärmilonga en vue signifie descente sur Loèche et boissons roboratives dans un proche avenir. Et pourtant il reste quelques beaux tronçons avant d'atteindre le Graal.
La vallée du Rhône à nos pieds dégage un réel sentiment de force que la sérénité des alpages dénudés nous entourant ne parvient pas à occulter. Dernier regard sur cette longue tranchée avant de basculer sur Loèche et de repasser la barrière alpine du côté bernois.
La cabane Rinder et l'arrivée du téléphérique qui déverse ses marcheurs minimalistes et ses curistes marquent pour nous la fin des dénivelés positifs de la journée. La descente sur Loèche-les-Bains va se faire à un train d'enfer (mais en respectant toujours les promeneurs) afin de profiter d'une terrasse encore ensoleillée (et d'une boisson houblonnée locale) avant de sauter dans le téléphérique nous menant au col de la Gemmi.
La température baisse régulièrement au sommet de la Gemmi et il s'agit de ne pas traîner: la descente finale sur Kandersteg doit impérativement se faire de jour, l'entreprendre de nuit serait suicidaire. Let's go for a nice downhill.
Les chevaux sont lâchés et le Daubensee est avalé en quelques minutes, avec juste un regard pour ces lieux grandioses et si minéraux.
Tout le plateau de Spittelmatte est à nos pieds, alors que les troupeaux l'ont déjà déserté. Un lieu superbe parcouru par des hordes de marcheurs en été.
Une dernière fois nous titillons nos sens au-dessous du Sunnbüel: lieu magique, silence impressionnant et odeurs de terre et de plantes fatiguées subliment l'instant si court, avant la plongée sur la vallée de la Kander et sa civilisation.
Les dizaines de contours du sentier du Stock traversent des pans entiers de forêt dévastés par Lothar. Avec par moment une pente de 35% et un revêtement humide et traître il demande une concentration totale…
...pour atteindre Kandersteg 700m plus bas, les bras et les mains complètement ankylosés. Mais la flamme qui brille dans le regard de mes compagnons exprime un bonheur total et le sentiment d'arriver d'un autre monde, inconnu du commun des mortels.